Interview – Robin Negre auteur de La Figure de Dracula

Interview – Robin Negre auteur de La Figure de Dracula

12 décembre 2024 Non Par VoxPopuli
Temps de lecture : 6 minutes

Après notre coup de coeur pour La Figure de Dracula. Voyage à travers les ténèbres (vous pouvez retrouver notre chronique ici), nous avons eu le plaisir d’interviewer Robin Negre, auteur de l’ouvrage. Qui est disponible chez Third Editions depuis le 14 novembre.

 

 

 

Bonjour Robin merci d’avoir accepté cette interview. Peux-tu te présenter à nos lecteurs?

Merci pour l’invitation Fabien, et bonjour à tous ! Pour ma part, je me nomme donc Robin Negre, la trentaine et je suis journaliste culturel et auteur. Je travaille principalement dans le monde du cinéma, avec les Cinémas Pathé,
L’Éclaireur Fnac ou encore Première, après avoir suivi un cursus de droit et de journalisme.

 

Dans l’introduction de l’ouvrage, tu nous expliques avoir découvert Dracula en primaire. Une découverte traumatisante à cet âge?

Je ne sais pas si elle a été traumatisante, mais très marquante oui. Je pense qu’à cet âge, je suis passé à coté de certains aspects sombres ou sanglants du roman — que j’ai lu dans une version abrégée, si je me souviens bien — et j’ai très vite eu un attrait pour l’aspect mythologique du personnage. Une vie éternelle, une vie dans un château sombre,
des capacités hors-normes. Je n’avais encore jamais trop lu ou vu quelque chose de semblable. Je crois que j’étais effrayé par l’absence de Dracula en fait. Comprendre que lorsqu’il n’est pas là il peut surgir de n’importe où, cela a un effet instantané sur le jeune lectorat. Puis, plus tard, j’ai compris les thèmes plus profonds du roman et j’ai découvert
les passages plus sanglants.

 

 

 

Comment est né ce projet?

J’ai répondu à un appel de Third Éditions qui cherchait alors de nouvelles plumes pour enrichir leur collection médiathèque. En proposant mon idée autour de Dracula, on a vite réalisé que le sujet nécessitait de sortir du format Médiathèque pour offrir au personnage un livre plus long, complet, et qui aborde différentes adaptations du vampire.

 

Dracula est une œuvre riche à travers le roman et ses nombreuses itérations.Écrire sur le sujet n’a pas été trop difficile?

Si, totalement ! L’œuvre est riche effectivement et venir saisir et analyser les différentes thématiques — en plus du style de l’auteur — demande de s’y plonger intensément. Cela créé un sentiment étrange : la sensation d’être pendant plusieurs mois confrontés à quelque chose de très sombre, de malfaisant et de ténébreux. Le style épistolaire de l’œuvre donne aussi l’impression que nous sommes face à une version précise de l’histoire (celle que les personnages sont en train de vivre), sans forcément avoir toute la « vérité » de cette histoire. Lorsque je relis Dracula, j’ai toujours l’impression qu’il y a un secret enfoui qui m’échappe encore. Une dernière réponse à trouver pour comprendre
enfin qui est Dracula. J’aime revenir au roman pour ça et découvrir les nombreuses adaptations m’a conforté dans cette idée. Comme si chaque nouvelle itération était une façon de creuser un peu plus le mythe et de tenter de le cerner. Un peu anxiogène par moments, je peux l’avouer, mais très enrichissant et passionnant ! L’autre challenge était
aussi de se limiter et ne pas se noyer en voulant traiter des centaines d’adaptations. Dès le début, j’ai su qu’il ne fallait pas être exhaustif. Déjà c’est impossible, et ce n’est peut- être pas le plus intéressant. Il a fallu donc faire des choix et laisser certaines œuvres de coté, même si elles me plaisaient !

 

En décembre, Nosferatu sera de retour dans les salles obscures. Qu”attends-tu de cette nouvelle adaptation?

 

J’aime beaucoup le cinéma de Robert Eggers. Ce qu’il y a d’intéressant avec Nosferatu, c’est de pouvoir faire du Dracula sans en faire, avec une mythologie et un style désormais très vite assimilé à ce que représente Nosferatu (son design est notamment différent que celui de Dracula). Sur ce Nosferatu en particulier, j’espère que l’aspect horrifique sera bien présent et qu’Eggers apportera quelque chose d’inédit au mythe de Nosferatu (et donc de Dracula). J’aime beaucoup le tout premier film de Murnau de 1922, considéré à raison comme un chef-d’œuvre du cinéma, et le remake par Werner Herzog de 1979 est fascinant à voir car il apporte de nouvelles idées. J’attends finalement de Robert Eggers la même chose : son Nosferatu doit avoir du sens en 2024 et doit innover quelque part.

 

 

 

 

On retient souvent les noms de Gary Oldman, Béla Lugosi et Christopher Lee côté interprètes. Quel est celui qui t’a le plus marqué?

 

Gary Oldman, sans hésitation, bien que j’ai une admiration importante pour Christopher Lee, qui a toujours été l’un de mes acteurs favoris. Mais Oldman a tout dans le regard, dans le sourire, dans la perversité. J’aime surtout lorsqu’il est à l’apogée de sa malveillance, âgé. Plus que quand il sert la partie romantique du film, qui s’éloigne du personnage de Bram Stoker (mais qui le fait tellement bien !). J’ai toujours été traumatisé par une scène bien particulière : lorsque Dracula offre à ses compagnes un bébé et que le pauvre Jonathan Harker assiste à la scène en hurlant. Dracula remarque sa réaction et détourne le regard du carnage en cours pour observer avec une malveillance absolue le
jeune clerc de notaire avant de rire avec effroi. Ce simple mouvement des yeux, ce regard hypnotisant est peut-être mon interprétation préférée de tous les Dracula confondus. On revient tellement à l’idée qu’il est l’incarnation du mal et qu’il se joue de l’espèce humaine, que je trouve ça fascinant de cruauté et d’absolutisme.

 

Le vampire est une figure fantastique que l’on revoit régulièrement sur les écrans et dans la littérature. D”autres œuvres ont retenu ton attention?

J’ai grandi avec le vampire romantique. Des œuvres comme Buffy, contre les vampires, Twilight, The Vampire Diaries ou encore True Blood ont rythmé mon adolescence et racontent aussi des choses intéressantes sur la créature et sur son évolution dans la culture au sens large. Comprendre pourquoi la créature est devenu un être séduisant et
torturé dans les années 1980 jusqu’aux années 2010 est une façon de saisir l’époque différemment. Mais j’aime revenir aux premiers mythes. Je pense au vampire Carmilla par exemple, qui est également très importante dans la construction du mythe. Du coté du cinéma, le film de Jim Jarmusch Only Lovers Left Alive est vraiment excellent. Il adopte la lenteur et l’immobilisme du vampire éternel et possède des scènes magnifiques.

 

As-tu d’autres projets pour la suite?

Je continue de travailler en tant que journaliste avec quelques idées de livres en tête, bien qu’il soit trop tôt pour en parler. On peut me retrouver chaque semaine dans le Podcast Séance Tenante, des Cinémas Pathé en tout cas ! Une chose est sûre néanmoins, j’aimerai beaucoup écrire de la fiction dans un futur assez proche.

 

Quels conseils donnerais- tu à quelqu’un qui souhaiterait découvrir Dracula en 2024?

C’est une bonne question, il existe tellement de Dracula différents désormais. Je pense évidemment que retourner à l’œuvre de Bram Stoker est toujours adapté. Le roman ne vieillit pas, il est encore aujourd’hui d’une maitrise absolue en terme de narration et de rythme. C’est un grand classique. Sinon, je pense qu’il faut découvrir Dracula à l’envie et à
l’opportunité ! Une itération du comte Dracula amène souvent à vouloir en apprendre et en découvrir un peu plus. Toutes les versions de Dracula répondent à une version antérieure ou à une époque. En remontant le fil des différentes versions, on arrive toujours à Bram Stoker. Et même les mauvais films, en soi, peuvent être intéressants. Tant que Dracula a une certaine aura mystérieuse — et invite ainsi à poursuivre le long chemin de la découverte —, la porte d’entrée est la bonne. Dracula doit effrayer, mais il doit aussi intriguer, profondément. On ne doit pas sortir d’un film Dracula avec plus de réponses que de questions. Je pense que la clé de la réussite réside là.

 

Parmi les auteurs actuels, qui selon toi pourrait succéder à Bram Stoker?

 

Je ne sais pas si on peut succéder à Bram Stoker. Je pense que, comme pour Mary Shelley ou Edgar Allan Poe, sa création est trop importante dans le genre de la culture et de la culture littéraire. Mais j’apprécie les auteurs et autrices qui arrivent à insuffler une mythologie qui invite à s’agrandir. J’aime quand tout n’est pas dit et que le mystère
demeure un peu. Comme dans le Dracula de Bram Stoker. Je pense à Stephen King par exemple, ou plus récemment j’ai découvert l’œuvre de Michael McDowell (Blackwater, Katie), qui m’a particulièrement fasciné ! Concernant la littérature vampirique, Anne Rice a effectivement révolutionné le genre et j’apprécie de plus en plus sa série Chroniques des Vampire. Mais il n’y a qu’un Bram Stoker.

 

Le mot de la fin?

Merci beaucoup pour l’opportunité offerte, c’est toujours un plaisir de pouvoir échanger sur ce sujet et sur ce projet auquel je suis particulièrement attaché ! À très bientôt Fabien, et merci aux lecteurs et lectrices de Ours Gamer !