L’ours connaît parfaitement mes goûts de papa quadra, forgés avec le temps. Vu mon âge avancé, j’ai forcément connu les bars enfumés où, jeunes et fauchés, nous claquions notre argent de poche pour découvrir les méga jeux du moment sur des bornes fatiguées. De plus, comme je suis fan d’arcade depuis plus de quinze ans et heureux propriétaire de bornes d’arcade, il lui a paru logique de me confier Retro Arcade Classics : la grande histoire des bornes de jeux vidéo. Ainsi, ce livre écrit par Darran Jones et édité chez Casa Editions, disponible depuis le 13 novembre 2025, promettait un joli voyage dans le temps. Particulièrement après nous avoir fait voyager dans l’histoire du jeux video.
Cependant, loin d’être un expert, j’étais surtout curieux de voir comment le sujet allait être présenté. Qu’on soit néophytes ou joueurs simplement avides d’en savoir plus. Reste une question essentielle. Est-ce que cette expérience sera aussi iconique que mes premières parties sur borne ? C’est ce que nous allons voir.
Chronique réalisée à l’aide d’une version brochée du livre envoyée par l’éditeur que nous remercions.



Nostalgie et approximations
Tout d’abord, la première partie du livre cherche avant tout à synthétiser l’arrivée des bornes d’arcade et leur âge d’or, situé entre les années 70 et 90. D’emblée, la qualité d’impression saute aux yeux. En effet l’ouvrage propose un écrin soigné pour raconter le passage des machines mécaniques vers l’électronique.
Ainsi, on traverse rapidement la genèse de Space Invaders, Galaxian, Q-bert ou encore Donkey Kong, symboles d’une époque fondatrice. De plus, cette section permet aux plus jeunes d’appréhender une période qu’ils n’ont pas connue. Notamment l’entrée en scène de mastodontes comme Nintendo ou Sega, alors simples challengers. Cependant, chronologiquement étalé sur moins de dix pages, le contenu fascine autant qu’il frustre par ses approximations.
En effet, l’empilement d’informations évoque davantage une lecture Wikipédia qu’un véritable amour retranscrit du jeu vidéo d’époque. Ainsi, des pans entiers de l’histoire de l’arcade sont éludés, la période Neo Geo tenant sur quelques lignes à peine. Plus grave encore, aucune information n’est donnée sur les types de bornes, qu’elles soient européennes, japonaises ou dédiées. Adieu donc candy cab, écrans yoko ou tate, sticks poire ou boule, et la logique derrière les configurations de boutons. Enfin, entre l’oubli des bornes cocktail, l’absence de marques françaises comme Jeutel ou René Pierre, et une mise en page surchargée, le tout laisse un goût assez amer.
God bless America
Juste après l’âge d’or, le livre propose un court interlude qui revient aux toutes premières heures de l’arcade.
Ainsi, on repart sur Pong, puis sur l’iconique Computer Space, histoire d’ancrer le propos dans une chronologie plus historique. Ce détour permet clairement d’ajouter de la profondeur historique. Malgré tout l’ensemble reste très rapide et survole plus qu’il n’explore réellement le sujet.
Ensuite, on découvre quelques extraits consacrés à ce qui est présenté comme « la meilleure salle d’arcade du monde » aux États-Unis. Des membres de cette association partagent leurs témoignages. Puis, le livre enchaîne sur un aspect central de l’arcade : le scoring. Il a façonné la compétition et l’ego des joueurs pendant des décennies. À ce titre, Twin Galaxies est mis en avant comme référence absolue pour répertorier les meilleurs scores sur les jeux oldschool en 2D. Concrètement, on y trouve qui détient le record, le score exact et le jeu concerné. En soi, cela ne nous fait pas une belle jambe mais cela remplit efficacement deux pages supplémentaires.



Beaucoup de jeux, un peu de magie
Ce chapitre représente clairement les deux tiers du livre et, enfin, on parle jeux d’arcade ! Forcément, on commence par Pac-Man, le jeu culte qui traverse les générations et rassemble tout le monde autour de la borne. Ce premier dossier se montre bien plus intéressant et relance enfin le plaisir de lecture. Ensuite, on enchaîne avec des classiques comme Donkey Kong, OutRun ou Dragon’s Lair. Chacun ayant apporté des évolutions majeures de gameplay. Ainsi, le livre explique plutôt bien pourquoi les jeux ont fait le bonheur des joueurs et des exploitants, tout en générant une vraie fougue à l’époque.
Cependant, chaque dossier intègre aussi des parties fourre-tout. Par exemple Monsieur X qui raconte comment il a acheté et rénové sa borne. Rénové est un bien grand mot, car on reste très loin de la technique pure et des références trouvables sur des forums comme ukVac (ou Gamoover pour les français).
De plus, les traductions hasardeuses transforment un « marquee » en boîtier et une « PCB » en simple circuit imprimé, sans jamais expliquer les différents formats existants. Adieu donc MVS, ST-V, Naomi et compagnie, à peine évoqués ou totalement oubliés.Heureusement, certaines pages détaillent bien l’univers des jeux et donnent quelques pistes pour progresser, même si, au final, ça fait souvent game over.
Conclusion
Pour terminer, mon ressenti global à la lecture de ce livre reste nuancé, sans être totalement négatif.
On perçoit cependant un certain remplissage, notamment avec les passages consacrés aux conversions arcade vers les consoles. Les explications sur les limitations techniques sont logiques, mais elles s’éloignent parfois du sujet principal, à savoir les bornes d’arcade. De plus, plusieurs interviews de développeurs, bien qu’intéressantes sur le fond, semblent un peu hors cadre par rapport à la promesse du livre.
Par ailleurs, certains choix éditoriaux interrogent, avec des dossiers très détaillés sur des jeux spécifiques.
Ainsi, Operation Wolf ou Point Blank bénéficient d’une large place, tandis que des titres majeurs comme Time Crisis ou Virtua Cop sont plus discrètement abordés. On note aussi un déséquilibre dans le traitement des genres, certains shmups emblématiques étant peu ou pas évoqués. Malgré tout, la qualité d’impression et la mise en page témoignent d’un vrai soin apporté à l’objet. Cependant, le manque d’explications techniques et de contextualisation limite l’attachement que l’on pourrait ressentir pour l’arcade. En définitive, même si l’ouvrage peut piquer la curiosité, je ne le recommande pas vraiment comme livre de référence sur les bornes d’arcade.
